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Il était une fois, dans un royaume lointain, sur la Terre des rêves, la grande Amérique, un premier cri, le cri d’un tout petit être, le second enfant de la famille Bratford. Gaëtan Nolan Bratford. Un enfant innocent, plein de tendresse et de promesse. L’enfant d’un couple aimant, stable et fidèle. Un enfant qui serait aimé, choyé et protégé… Ou pas ! Car, les contes de fées, cela n’existe pas. Pas dans la vie réelle, cette vie où nous évoluons quotidiennement. Gaëtan n’est pas né sur la terre promise, il est simplement né à New York, plus exactement dans le sud du Bronx, au beau milieu des guerres de gang, des sirènes de police et des immeubles délabrés. Et, sa naissance n’est pas exactement le fruit de l’amour. Tout comme son frère ainé, il n’est que le fruit d’une nuit d’ivresse, de beaucoup d’alcool et d’une capote oubliée. Le fils d’une prostituée et d’un dealer. Bienvenue dans le monde réel. Dans ce monde où, tout n’est pas aussi rose qu’on aimerait nous le faire croire. Dans un monde où le frère ainé essuie les coups destinés à son jeune frère. Dans un monde où un père de famille abandonne femme et enfant pour aller en prison et où la mère de famille abandonne le foyer, ne supportant pas d’avoir deux enfants à charge et des factures par-dessus la tête.

« Maman ? » Je n’étais qu’un enfant, un gamin, son lapin en peluche dans les bras, cherchant sa mère dans un petit appartement dans lequel la tapisserie se décollait des murs. « Maman ? » J’avais beau appeler, aucune réponse. « Tinou ? » Entendant la voix de mon frère ainé derrière moi, je me retournais, apercevant sa silhouette d’adolescent devant la porte de la salle de bain. « Où qu’elle est maman ? » J’aperçus enfin son regard fuyant. Sa bouche s’ouvrir mais, aucun son n’en sortit. Il évitait mon regard. Sa bouche se refermât et, il avança vers moi pour s’asseoir sur le canapé taché, juste devant la fenêtre. Je le suivais du regard alors, il ouvrit les bras et, me fit signe de venir vers lui, ce que je fis docilement, mon regard lui posant mille et une questions que mes mots d’enfant ne parvenaient pas à formuler. « Tinou, maman ne… Enfin, elle n’est pas… Elle va... » Ses lèvres tremblaient, son regard fuyait, des larmes baignaient ses yeux. Alors, une larme roula sur ma joue. « Elle est partie faire des courses ? » Aiden posa enfin son regard sur moi. Il pleurait lui aussi. « Quelque chose comme ca ! » Alors, je posais ma peluche contre son torse. « Pleures pas, elle va bientôt rentrer alors et, je suis sur qu’elle aura des bonbons pour nous. » Il attrapa ma peluche puis, me serra contre lui. « Non Gaétan, elle ne rentrera pas. Pas ce soir, ni aucun soir, plus jamais… » Alors, je fondais en larmes, m’agrippant à son cou, pleurant toutes les larmes de mon corps…

Ainsi, c’est Aiden qui a élevé Nolan. Il n'avait que quinze ans la nuit où leur mère est partie. Il n’était encore qu’un enfant. Un enfant rêveur qui aimait lire, qui rêvait de faire de longues études et peut être même de devenir écrivain ou journaliste. Un enfant qui rêvait de découvrir le monde, de découvrir cette étendue qui existait au delà de la grisaille du Bronx. Un adolescent qui rêvait de quelque chose de mieux que ce qu’il a du affronter. Abandonner l’école du jour au lendemain pour avoir de quoi vivre, de quoi payer les factures laissées par une mère trop lâche, de quoi mettre à manger dans son assiette et celle de son jeune frère. Abandonner ses rêves pour entrer dans un gang, pour avoir de l’argent, plus vite, et plus facilement. Continuer de protéger son petit frère. De la réalité de la vie et du monde. Rêver de mieux pour lui et se battre pour ca. Lui mettre des gifles quand il baissait les bras, comme son propre père le faisait avec lui quand il était enfant. Oui, si Aiden avait du abandonner ses rêves, il en avait un nouveau à présent, faire que Nolan réussisse là où lui avait échoué. Pour ne pas que sa vie soit un échec total, pour que ses sacrifices n'ait pas été vain.

« J’en peux plus » Balançant mon sac de cours sur la table en bois, l’unique table existant dans notre appartement, je vis mon frère se retourner vers moi, un regard sombre sur le visage. « J’y peux rien, le lycée, c’est vraiment pas pour moi, ca me les brise ! » Je me vautrais alors sur le canapé, celui que j’avais toujours vu là, au beau milieu de ce vieil appartement. « Tinou… » Je grimaçais. « Et puis arrêtes de m’appeler comme ca, je ne suis plus un gamin ! » Aiden poussa un profond soupir, croisant les bras contre son torse, visiblement blasé par mon comportement. « Ok Gaëtan… » Je le fusillais du regard, le coupant dans ses propos « Nolan ! » Il leva les yeux au plafond. « Nolan ! Tu sais très bien que les cours c’est ce qu’il y a de plus important. » Je donnais un coup de poing dans un coussin puis, me relevais d’un bond. « Oh, c’est vrai que tu en sais quelque chose toi… Tu as fait de si longues études… » Etonnamment, Aiden se trouva devant moi en à peine un battement de cils, m’agrippant par le col au point que je manquais de perdre l’équilibre. Mais, je ne lâchais pas son regard. « Pauvre idiot… Si tu n’avais pas été là, si je ne t’avais pas eu dans mes pattes, j’aurais fait des études mais, j’ai tout plaqué pour que toi tu réussisses, pour que toi, tu ais une chose de sortir de toute cette merde qui nous entoure ! » Je tentais de me débattre, en vain, il me bouscula alors, me poussant en arrière avec force, au point que je tombais sur le canapé puis, il attrapa sa veste et se dirigea d’un pas énervé vers la porte d’entrée. « Je préfère aller faire un tour, sinon je risquerais de te défoncer le crane, crétin ! » Quelques secondes plus tard, la porte de l’appartement claquer derrière lui…

Toute son enfance, Gaëtan a toujours vu son frère ainé comme un héro. Quand leur mère est partit, il l’a réclamée encore et encore, refusant de s’endormir sans qu’elle ne vienne le border, rendant la vie de son frère impossible, pleurant des nuits entières, refusant la réalité. Et puis, il finit par comprendre, par accepter que sa mère ne reviendrait jamais. Mais, des deux fils Bratford, il est le seul qui va voir leur père en prison, de temps en temps. Ce qui n’est rien d’autre qu’un énième sujet de discorde entre les deux frangins. Nolan voulant que son ainé aille voir leur père, pour qu’il leur pardonne. Mais, Aiden ne veut rien entendre. Jamais. Il ne veut plus entendre parler de leur père, il ne veut pas entendre Nolan lui faire la morale, préférant le traiter de jeune gamin naïf. Et, comme toujours quand les conversations deviennent trop sérieuses entre eux, ils en viennent aux mains, jusqu’à ce qu’Aiden prenne le dessus. Comme toujours. Ne supportant pas l’innocence de son jeune frère, ne supportant pas sa réussite, l’enviant sans cesse d’avantage. Il a tout sacrifié pour lui mais cela, Nolan ne le comprend pas, préférant lui faire la morale. Et c’est vrai. Nolan ne comprend pas. Il ne comprend pas pourquoi son frère ne se bat pas d’avantage. Pourquoi il boit tant que cela. Pourquoi il ne reprend pas ses études, pourquoi il ne cherche pas à réaliser ses rêves. Il est conscient des sacrifices que son frère à fait pour lui mais, il ne conçoit pas qu’il se laisse tant aller.

« Papa te passe le bonjour ! » Un sourire aux lèvres, l’arcade sourcilière en sang, un torchon plein de glaçons à la main, Aiden m’accueillit avec un froid « Et moi je l’emmerde ! » Je le fusillais alors du regard tandis qu’il portait son torchon à son visage. « Tu devrais aller le voir, au moins une fois, plutôt que de passer ton temps à… » Soudain, je me prenais un torchon ensanglanté et quelques glaçons au visage. « Au lieu de quoi Nolan ? Hein… Au lieu de me battre pour nous ramener à bouffer pendant que tu traites en héros le mec qui nous a foutu dans la merde ? » Je ramassais le torchon sur le sol avant de faire un pas vers mon frère dans le but de jeter un œil à sa blessure. « Ce n’est pas lui qui nous a abandonné, c’est… » Aiden me poussa en arrière, m’empêchant de m’approcher de lui. « Oh bien sur, c’est vrai, ce n’est pas de sa faute si on l’a privé de sa famille. Atterris un peu crétin, c’est un dealer, un sale dealer qui préférait vendre de la drogue à des gosses plutôt que de s’occuper des siens mais, ca tu ne t’en souviens pas. Pour toi, ce mec à toujours été un héros, c’est moi qui me prenait ses coups dans le coin de la gueule pendant que tu câlinais ta sale peluche… » Malgré moi, je laissais échapper un rire moqueur. « C’est vrai que tu vaux tellement mieux que lui toi ! » Je me retrouvais soudain plaquer contre le mur, son avant bras contre ma gorge, ma respiration se faisant soudain difficile. « Arrêtes de penser que tu vaux mieux que moi, arrêtes de te penser supérieur à moi maintenant que tu es à la fac. Sans moi, tu n’en serais pas là. Contrairement à papa, je me suis occupé de toi. Tout ce que j’ai pu faire dans ma vie, toutes les saloperies auxquelles j’ai été mêlées, c’était pour toi alors fermes ton sale clapet crétin ! »

Et, petit à petit, il le laisse de coté. Il le laisse dans leur sordide appartement, préférant passer la plupart de son temps entre la fac, le bar où il travaille et, chez sa petite amie. Car Quinn est le rayon de soleil de sa vie, celle qui lui donne la force de se battre, la force d’avancer sans jamais baisser les bras. Elle est celle qu’il aime, celle avec qui il veut passer sa vie, celle qu’il épousera. Parce qu’elle est tout pour lui, son univers et son souffle d’air pur. Elle est son sourire et son oubli. Grace à elle, il oubli tout. Sa peur de l’abandon. Sa peur de devenir comme son père ou, comme son frère. Sa peur de n’être rien d’autre qu’un moins que rien. Il l’aime et, il se sent capable de tout pour elle. Capable d’aller décrocher la lune, capable de défier la fatalité de sa situation. Il la demandera en mariage. Elle deviendra sa femme. Il deviendra avocat. Elle deviendra médecin. Et ils auront des enfants, des enfants qu’ils aimeront et qu’ils n’abandonneront jamais. Jamais.

Oui, le jeune homme a déjà tout planifié de sa vie. Il est comme son frère, il a des rêves plein la tète et, il fait tout pour les voir se réaliser. Il est devenu barman dans un bar pourri pour payer ses études, il ne dort quasiment pas la nuit pour pouvoir réviser ses cours. Et, le reste de son temps libre, il le passe avec Quinn, la femme de sa vie, sans oublier qu’il vient d’être accepté comme stagiaire dans le plus prestigieux cabinet d’avocats de Manhattan. Oui, enfin il voit sa vie lui sourire, il voit la lumière au bout du tunnel. Une lumière resplendissante qui lui réchauffe le cœur et lui donne la force d’avancer.

Mais, son flash lui donne une toute autre perspective. Peut être qu’en fin de compte, il ne peut pas échapper à la fatalité. Peut être que c’est Aiden qui a raison, peut être qu’il vivra éternellement dans le Bronx. Il a beau se battre et se débattre, il n’est rien de moins qu’un Bratford, un loseur, un moins que rien se prélassant dans la boue qu’est sa vie…